Le vendredi qui suit le
deuxième dimanche après la Pentecôte
(cette année, le
vendredi 19 juin):
Le Sacré-Cœur de Jésus – B
Introduction
« Le Dieu saint » a un cœur de Père.
Que n’a-t-il fait pour ses créatures depuis l’enfance de l’humanité ?
Il les a choyées comme des nourrissons fragiles, leur a appris à marcher,
veillant avec une sollicitude de tous les instants à ce qu’ils ne trébuchent pas,
et se portant à leur secours dès qu’ils butaient sur les cailloux du chemin.
Tant de preuves d’amour ne les ont pas empêchées de le
repousser.
Tout autre aurait renié ces enfants ingrats, les aurait châtiés
pour leur conduite indigne, les aurait abandonnés à leur sort.
Mais pas lui !
« Dieu et non pas homme », il pardonne continuellement, bien plus :
c’est lui qui fait les premiers pas, qui « revient » pour amener les
pécheurs à « revenir » ! Voilà ce que dit Osée, l’un des
premiers « prophètes-écrivains » (Première Lecture).
Nul, pas même parmi les « forces invisibles », les
anges du ciel, n’aurait pu imaginer que Dieu pouvait aller aussi loin dans la
manifestation se son amour. Il tenait pourtant en réserve, depuis toujours, le
projet d’une intervention, projet qu’il a « réalisé dans le Christ Jésus notre
Seigneur ». Lui « qui habite en nos cœurs par la foi, nous donne de « rester
enracinés dans l’amour, établis dans l’amour », et nous a fait connaître « les
multiples aspects de la sagesse divine », « source de toute paternité,
au ciel et sur la terre » (Deuxième Lecture).
Sur la Croix, l’Agneau de Dieu immolé la veille du « grand
jour de la Pâque », a le côté ouvert. De son cœur transpercé ont jailli du
sang et de l’eau. En méditant sur le coup de lance porté au crucifié, les chrétiens
ont perçu le sens caché de ce geste : le Christ en croix a ouvert la
source qui fait renaître, et quand ils boivent à la coupe du Seigneur, c’est à
sa Pâque qu’ils communient. (Evangile)
La liturgie de la solennité du Sacré-Cœur de Jésus célèbre
le Père plein de tendresse.
Adorons-le : « la largeur, la longueur,
la hauteur, la profondeur » de cet amour ne connaissent pas de borne.
Approchons-nous
de lui avec l’audace que donne une confiance illimitée. « Celui qu’ils ont
transpercé » est là, au milieu de nous, le cœur et les bras toujours ouverts
pour accueillir « ceux qui lèvent les yeux vers lui ».
Les Textes
▪ Première Lecture
▪ Os 11,1 ;3-4 ;8c-9
Pour exprimer l’invraisemblable
tendresse de Dieu, Osée recourt à des images et à des manières de parler d’un
réalisme et d’une audace extraordinaires : Dieu, un père, une mère qui va
jusqu’à « se convertir » à de meilleurs sentiments envers ses enfants
infidèles !
Mais recourir à un tel
langage ne revient pas à méconnaître la transcendance divine. Au contraire, c’est
parce qu’il est « le Dieu saint » « et non pas un homme »
que Dieu peut se comporter ainsi.
▪ Cantique
▪ Is 12,2 ;4b-6 ; antienne :3.
Mon Dieu est grand et
saint : à lui ma louange !
Sa force me sauve :
en lui ma confiance !
Texte littéral et intégral de ce très beau passage d’Isaïe,
ici employé à la place d’un psaume (la traduction liturgique en est – une fois
encore, hélas ! – très éloignée et malheureusement tronquée) :
1.
ואמרת
ביום ההוא אודך יהוה כי אנפת בי ישב אפך ותנחמני׃
Littéralement :
ואמרת – et tu diras ; ביום – au jour ; ההוא – celui-là ; אודך –
je te célébrerai ; יהוה ** – YHWH l'Eternel ; כי – car ; אנפת*** – tu as
été en colère ; בי – envers moi ; ישב – est revenue ; אפך*** – ta colère ;
ותנחמני – et tu m’as consolé
« En ce jour-là tu diras: Je te loue, ô
Éternel, car tu étais courroucé contre moi; mais ta colère a pris fin et tu
m'as consolé. »
2.
הנה
אל ישועתי אבטח ולא אפחד כי־עזי וזמרת יה יהוה ויהי־לי לישועה׃
Littéralement :
הנה – voici ; אל**** – Dieu de ; ישועתי – mon salut ; אבטח – j’aurai
confiance ; ולא – et ne pas ; אפחד – je serai effrayé ; כי־ –
car ; עזי – ma force ; וזמרת – et ma puissance ; יה – Yah ;
יהוה – YHWH l'Eternel ; ויהי־ et il
deviendra ; לי – pour moi ; לישועה – salut
« Voici, Dieu est mon salut; j'aurai
confiance, et je ne craindrai point. Car l'Éternel, l'Éternel est ma force et
ma louange, et il sera mon Sauveur! »
3.
ושאבתם־מים
בששון ממעיני הישועה׃
Littéralement :
ושאבתם־ – et vous puiserez ; מים – de l’eau ; בששון – avec exultation ;
ממעיני – des sources de ; הישועה – le salut
« Et vous puiserez des eaux avec joie aux
sources du salut. »
4.
ואמרתם
ביום ההוא הודו ליהוה קראו בשמו הודיעו בעמים עלילתיו הזכירו כי נשגב שמו׃
Littéralement :
ואמרתם – et vous direz ; ביום – au jour ; ההוא – celui-là ; הודו
– célébrez ; ליהוה – pour YHWH l'Eternel ; קראו – proclamez ;
בשמו – son nom ; הודיעו – faites connaître ; בעמים – parmi les
peuples ; עלילתיו – ses hauts faits ; הזכירו – rappelez ; כי –
que ; נשגב – élevé ; שמו – son nom
« Et vous direz en ce jour-là: Louez
l'Éternel, invoquez son nom, publiez parmi les peuples ses hauts faits!
Célébrez la gloire de son nom! »
5.
זמרו
יהוה כי גאות עשה [מידעת כ] (מודעת ק) זאת בכל־הארץ׃
Littéralement :
זמרו – psalmodiez ; יהוה – YHWH l'Eternel ; כי – car ; גאות –
magnificence ; עשה – il a fait ; [מידעת כ] (מודעת ק) – connu ;
זאת – ceci ; בכל־ – sur toute ; הארץ – la terre
« Chantez à l'Éternel, car il a fait des
choses magnifiques; qu'elles soient connues par toute la terre! »
6.
צהלי
ורני יושבת ציון כי־גדול בקרבך קדוש ישראל׃
Littéralement :
צהלי* – pousse un cri ; ורני – et crie de joie ; יושבת – habitante de ;
ציון – Sion ; כי־ – car ; גדול – grand ; בקרבך – au milieu de
toi ; קדוש – le Saint de ; ישראל – Israël
« Crie et chante de joie, toi qui habites en
Sion! Car le Saint d'Israël est grand au milieu de toi. »
Chouraqui
traduit ainsi ce chapitre – avec la force et la verve qui lui sont habituelles :
Hennis*, jubile
1.
Dis en ce jour:
« Je te célèbre, IHVH-Adonaï**!
Oui, tu avais nariné*** contre moi;
mais ta narine*** s’est détournée et tu
me réconfortes.
2.
Voici l’Él**** de mon
salut. Je me rassure, je ne tremble pas.
Oui, mon énergie, le chant de Yah, IHVH-Adonaï !
Il est pour moi le salut. »
3.
Puisez les eaux
avec exultation aux sources du salut.
4.
Dites en ce jour:
« Célébrez IHVH-Adonaï,
criez son nom;
faites connaître parmi les peuples ses
exploits;
mémorisez-le, oui, sublime est son
nom !
5.
Chantez IHVH-Adonaï, oui, il culmine, cela, à la
connaissance de toute la terre.Hennis*, jubile,
habitante de Siôn !
6.
Il est grand en ton sein, le sacré
d’Israël ! »
En effet:
* צהל peut
signifier « pousser des cris » ; c’est le sens que l’on donne à
ce verbe chez Esd : en 10,30, ce sont des cris d’angoisse, en 12,6,
ce sont des cris de joie ; mais, effectivement, il peut également
signifier « hennir », comme en Jr 5,8. Chouraqui a choisi le verbe le plus expressif.
** Chouraqui
transcrit יהוה IHVH, et le fait suivre de son qéré Adonaï, alors que je le
transcris, comme il est plus traditionnel de le faire, YHWH et le fais suivre
de son « interprétation » (voir §3 de la page « Quelques
remarques sur la Bible), plus classique chez les Juifs et les Réformés que
chez les Catholiques: « l’Eternel » *** אפ a pour
sens nominal premier « nez, narine ».
Cette racine,
concrète, est aussi, ici, celle d’un verbe ; c’est pourquoi Chouraqui crée le
néologisme « nariner ».
Ce nom permet –
à partir de syntagmes – d’exprimer divers sentiments :
1. la colère, comme
ici (à partir d’expressions telles que : ויחר־אף יעקב ברחל – Littéralement :
ויחר־ – et devint chaud ; אף – le nez de ; יעקב – Jacob ; ברחל –
contre Rachel, en Gn 30,2a : « Et la colère de Jacob
s'enflamma contre Rachel ») ;
2. la patience,
par exemple en Pr 25,15 : ארך אפים, littéralement « la longueur
du nez » ;
3. l’orgueil,
par exemple en Ps 10,4 : בה אפ, littéralement « la hauteur du
nez ».
**** אל - El estl’un
des noms attribués à Dieu – mais à l’origine, c’est le nom du grand dieu des
Cananéens ; c’est pourquoi Chouraqui considère ce mot comme une sorte de
générique, en lui adjoignant un article : il n’a pas le caractère sacré du
tétragramme imprononçable יהוה.
En conclusion,
voici l’appréciation – que ce passage justifie grandement! – de Chouraqui sur celui dont il dit qu'il est « le
premier des grands prophètes d’Israël, Iesha‘yahou, dont le nom signifie « Yah
sauvera », ce qui résume bien son message prophétique » :
« Iesha‘yahou est un
poète-né et l’un des plus grands d’Israël, créateur génial d’une langue qui
ne cesse de nous émouvoir et de nous inspirer. Son style est toujours simple et
direct. Mais son expérience humaine, large et profonde, donne une incomparable
incandescence à son verbe et à sa pensée.
Car, par-dessus tout, l’inspiré
est un contemplatif qui nous communique, avec sa vision, tout l’éclat de
son illumination intérieure. »
Il est cité
vingt-cinq fois dans le Nouveau Testament sous sa forme grecque Esaïas, d’où
viennent Ésaïe (pour les Réformés) ou Isaïe (pour les catholiques). La signification de son nom hébreu est proche de celle de Iehoshoua‘
(Josué), Hoshéa‘ (Osée), Èlisha‘ (Élie) et Iéshoua‘ (Jésus).
▪ Deuxième Lecture
▪ Ep 3,8-12 ;14-19
L’amour
incomparable, inimaginable du Christ a mis en pleine lumière celui de Dieu, infini, dont il nous est donné d’approcher
« en toute confiance ».
On ne peut que « se
prosterner » en adorant un tel mystère, que des hommes ont la mission d’annoncer.
Ils en seraient
totalement incapables, si le Père ne leur donnait « la puissance par
son Esprit ».
Le lyrisme de
ce texte lui donne l’allure d’une pièce liturgique.
▪ Evangile
▪ Jn 19,31-37
La référence
explicite au « grand jour de la Pâque » et à l’Agneau pascal dévoile
la véritable signification de la crucifixion de Jésus vers qui il faut « lever
les yeux pour être sauvé » (Voir « Le Christ élevé », en Jn 3, 14- 21, en cliquant ici).
Dans l’eau et le sang qui ont coulé du côté du Christ en croix, la tradition chrétienne a vu une évocation du Baptême et de l’Eucharistie,
sacrements pascals.
Enfin, le lendemain
du Sabbat, le dimanche, est devenu « le
premier jour de la semaine » chrétienne (Jn 20,1), celui de la
célébration hebdomadaire de la Pâque du Christ et de l’Eucharistie.
Pour prolonger la méditation
- Versets du Premier Testament :
- Ps33,21 : « Le Seigneur veille sur chacun de ses os ; pas
un ne sera brisé ».
- Za 12,10 : « En ce jour-là, je répandrai sur la
maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit qui fera naître en
eux bonté et supplication. Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont
transpercé ».
- Za 13,1 : « En ce jour-là,
il y aura une source qui jaillira pour la maison de David et les habitants de Jérusalem :
elle les lavera de leur péché et de leur souillure ».
- Versets du Nouveau Testament :
- Jn 7,37-38: «
Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et
qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Ecriture : Des
fleuves d’eau vive jailliront de son cœur ».
- Jn 12,32: « Quand j’aurai
été élevé de terre, j’attirerai vers moi tous les hommes ».
- Commentaire attribué à Saint Bonaventure (1221-1274), franciscain, docteur de l'Église, in Méditations sur la Passion du Seigneur:
Approchons-nous du cœur du très doux Seigneur Jésus, et nous
exulterons, nous nous réjouirons en lui. Qu'il est bon et doux
d'habiter en ce cœur! C'est le trésor caché, la perle précieuse que
nous trouvons, ô Jésus, en creusant le champ de ton corps (cf. Mt
13,44sqq). Qui donc rejetterait cette perle ? Bien au contraire, pour
elle je donnerai tous mes biens ; je laisserai en échange toutes mes
préoccupations, toutes mes affections. Tous mes soucis, je les
abandonnerai dans le cœur de Jésus : lui me suffira et pourvoira sans
faute à ma subsistance.
C'est dans ce temple, ce Saint des saints, cette arche
d'alliance, que je viendrai adorer et louer le nom du Seigneur. « J'ai
trouvé mon cœur, disait David, pour prier mon Dieu. » (1Ch 17,25 Vulgate)
Et moi aussi j'ai trouvé le cœur de mon Seigneur et Roi, de mon frère
et ami. Ne prierai-je donc pas ? Oui, je prierai, car je le dis
hardiment, son cœur est à moi...
Ô Jésus, daigne accepter et exaucer ma prière. Entraîne-moi tout
entier en ton coeur. Bien que la déformation de mes péchés m'empêche
d'y entrer, cependant, puisque par un amour incompréhensible ce coeur
s'est dilaté et élargi, tu peux me recevoir et me purifier de mon
impureté. Ô Jésus très pur, lave-moi de mes iniquités afin que, purifié
par toi, je puisse habiter en ton coeur tous les jours de ma vie, pour
voir et faire ta volonté. Si ton côté a été percé, c'est pour que
l'entrée nous soit grande ouverte. Si ton coeur a été blessé, c'est
pour que, à l'abri des agitations extérieures, nous puissions habiter
en lui. Et c'est aussi pour que, dans la blessure visible, nous voyions
l'invisible blessure de l'amour.