
Le 15 août
Assomption
de la Vierge Marie
(solennité)
<- Vitrail
– 1288 – Duccio (di Buoninsegna), Sienne, env.1255-1319 –
Cathédrale de Sienne
En bas, la « Dormition » de la Vierge;
au centre, son « Assomption » ;
en haut, son couronnement.
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Introduction
historique et théologique
Le culte des martyrs et des confesseurs de la foi s'est très tôt greffé sur les coutumes ancestrales de la vénération des ancêtres et leur souvenir.
Celui
de la Vierge Marie est né plus tardivement, en raison sans doute de la
discrétion des évangiles à son sujet: son rôle semble pratiquement terminé après
qu'elle a mis au monde son fils, et mené à bien son éducation première;
en effet, les Textes ne disent rien d'elle après la Pentecôte.
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Pourtant, elle n'est pas absente de la piété chrétienne ancienne. La prière
Sub tuum praesidium - Sous ta garde, ô Notre-Dame, est attestée dès le IIIème siècle.
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Mais c'est le troisième concile œcuménique (Éphèse, 431) qui donna son impulsion à la dévotion mariale, en décrétant que Marie est vraiment
« Théotokos»,
Mère de Dieu. De nombreuses églises lui ont alors été dédiées, à
commencer par celle de Sainte-Marie-Majeure, édifiée à Rome par le pape
Sixte III (432-440).
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L'origine de la fête de l'Assomption est plus obscure.
Non loin de Jérusalem, la légende désignait un lieu appelé Koinèsis, mot qui peut désigner l'action de s'étendre pour se reposer, et la mort.
Vers la fin du Vème siècle,
le 15 août, on célébrait une fête dans la basilique édifiée à
Gethsémani, qui était censée contenir le tombeau de la Vierge. Il
s'agissait donc alors de la « Dormition » de la Mère de Dieu, et de son entrée dans la gloire. L'empereur Maurice (539-602) l'imposa à tout l'empire d'Orient.
Panneau de reliquaire – vers1430 – Fra Angelico
(env.1400-1455) – Tempera et or sur bois,
62 x 39 cm
- Isabella Stewart Gardner Museum, Boston
Ce panneau a été peint par Fra Angelico pour l’église dominicaine de Santa
Maria Novella à Florence.
Il est divisé en deux registres :
- dans le registre
inférieur, la « Dormition » de la Vierge : les disciples
entourent le corps vieilli de Marie, et le Christ a déjà accueilli son âme (sous la forme
d’un jeune enfant) ;
- dans le registre supérieur, son « Assomption » dans les cieux,
sur des nuages, entourée d’une cour d’anges musiciens ; cette fois, le
Seigneur accueille son corps glorieux.
A Rome on connaît, dès le VIème siècle, une fête mariale de caractère général, fixée au 1er janvier.
Vers 660, la date du 15 août est adoptée. Mais sous le pontificat de Serge (687-702), d'origine syrienne, on parle toujours de la « Dormition ».
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Quant au terme « Assomption », il apparaît vers 770.
Il est à noter que le substantif latin sur lequel il est calqué, assumptio, dérive d'une forme passive du verbe latin "as-sumere" ("faire monter/venir à soi"): Marie est passive dans son Assomption; c'est le Seigneur qui agit.
Au contraire, "ascension/Ascension" est calqué sur ascensio, qui dérive d'une forme active du verbe latin "ascendere" ("monter"): cette fois encore, le Seigneur agit...
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Le Saint-Siège s'est ensuite contenté de gérer l'expression liturgique de la piété mariale: le « Calendrier romain », en usage jusqu'au 1er janvier 1970, ne comptait pas moins de dix-neuf fêtes de la Vierge!
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Avec
la définition de l'Immaculée Conception par Pie IX le 8 décembre 1854,
et celle de l'Assomption par Pie XII le 1er novembre 1950, le Magistère
romain s'est engagé de façon plus décisive.
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Enfin le Missel de Paul VI (1969) a clairement intégré les fêtes de la Vierge - et singulièrement celle de l'Assomption - dans la dynamique du mystère du Salut, objet primordial de la foi chrétienne et de la liturgie.
Marie,
parfaite servante du Seigneur,
Mère de Dieu,
première des sauvés,
a été la première associée à la gloire de son Fils.
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Messe de la veille au soir
Première Lecture : 1Ch 15,3-4;15-16; 16,1-2
Dans
le cadre de la fête de l'Assomption, le transfert solennel de l'arche
d'Alliance dans le Temple de Jérusalem évoque pour les catholiques
l'intronisation au ciel de la Vierge Marie, l’ « arche » qui a porté le Verbe de Dieu. Celui qui préside cette liturgie et bénit le peuple, c'est le Seigneur lui-même, représenté par David.
Psaume : Ps
132 (hébr) /131 (LXX et lit), 7-10;13-14
Le Seigneur fait habiter dans son repos celle qui a été sa demeure.
Deuxième Lecture : 1Co 15,54-57
Cette
hymne à Dieu, vainqueur de la mort par Jésus Christ, est en cette fête
de l'Assomption le chant d'action de grâce de l'Eglise qui célèbre
l'entrée au ciel de la Vierge Marie.
Evangile : Lc 11,27-28
Ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent ont part à la béatitude de la Mère de Jésus.
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Messe du jour
Deux images se superposent dans cette vision.
D'une
part, celle de la Femme qui enfante, dans la crainte et la douleur, un
nourrisson menacé par la puissance extraordinaire d'un terrible dragon.
On songe à l'Eglise dont les fils ont sans cesse à redouter les assauts
de l'Ennemi qui veut leur perte.
D'autre part, la Femme
mère du berger qui préserve les siens de tout danger. On songe alors à
Marie - sur qui le mal n'a eu aucune prise et qui mit au monde le
Sauveur.
Mais les
deux mystérieuses visions s'estompent pour laisser toute la place à la
gloire de Dieu et de son Christ, vers qui monte une vibrante action de
grâce.
Psaume : Ps 45 (hébr) /44 (LXX et lit), 11-12;13b;15-16 (à cette page)
Psaume
pour les noces d'un roi, que les traditions juive et chrétienne ont
appliqué au Roi-Messie, époux d'Israël pour les Juifs et de l'Eglise
pour les Chrétiens.
En la fête de l'Assomption, les catholiques l'appliquent à l'entrée de Marie dans le palais de son Seigneur.
Chacun
à son rang, tous revivront parce que le Christ, chef de l'humanité
nouvelle, et ressuscité d'entre les morts, a ouvert la route de la vie
qui ne finit pas. Ce qui est aujourd'hui objet de foi et d'espérance
apparaîtra un jour en pleine lumière.
Rien d'anecdotique dans le récit de la rencontre entre Marie et sa cousine qui, pourtant, restèrent ensemble « environ trois mois ».
Pas de commentaire de l'évangéliste non plus.
La
salutation adressée par Elisabeth à la mère du Seigneur, et le cantique
qui monte du cœur de l'humble servante du Seigneur suffisent.
Toutes les générations proclament à l'envi Marie « bienheureuse »,
« bénie entre
toutes les femmes »; on ne se lasse pas de lui demander de rester
proche, et d'intercéder auprès de son Fils pour les pécheurs, en se
souvenant de son amour.
L'Église peut reprendre à son compte le « Magnificat », en action de grâce pour les « merveilles » que l'Esprit Saint ne cesse d'accomplir en faveur de la race des croyants, à jamais.
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Pour prolonger la méditation :
- De Saint Germain de Constantinople (?-733), évêque: Homélie I pour la Dormition de la Mère de Dieu
« Montée jusqu'à la gloire du ciel, avec son âme et son corps »
(Collecte de la fête)
Temple vivant de la divinité très sainte du Fils unique, Mère de
Dieu, vraiment, je le redis avec action de grâces, ton assomption ne
t'a nullement éloignée des chrétiens. Tu vis impérissable et pourtant
tu ne demeures pas loin de ce monde périssable ; au contraire, tu es
proche de ceux qui t'invoquent et ceux qui te cherchent avec foi te
trouvent. Il convenait que ton esprit reste toujours fort et vivant et
que ton corps soit immortel. En effet, comment la dissolution de la
chair aurait-elle pu te réduire en cendre et en poussière, toi qui as
délivré l'homme de la ruine de la mort par l'incarnation de ton Fils
?...
Un
enfant cherche et désire sa mère, et la mère aime vivre avec son enfant
; de même, puisque tu avais dans ton cœur un amour maternel pour ton
Fils et pour ton Dieu, tu devais normalement pouvoir retourner auprès
de lui, et Dieu, à cause de son amour filial envers toi devait très
justement t'accorder de partager sa condition. Ainsi, morte aux choses
qui finissent, tu as émigré vers les demeures impérissables de
l'éternité où réside Dieu dont tu partages désormais la vie... Tu
as été corporellement sa demeure ; et maintenant c'est lui qui, en
retour, est devenu le lieu de ton repos. « Voici, disait-il, mon repos
pour les siècles des siècles » (Ps 132,14*). Ce lieu de repos, c'est la
chair qu'il a revêtue après l'avoir prise de toi, Mère de Dieu, la
chair dans laquelle, nous le croyons, il s'est montré dans le monde
présent et se manifestera dans le monde futur lorsqu'il viendra juger
les vivants et les morts. Puisque tu es la demeure de son éternel
repos, il t'a retirée de la corruption et il t'a prise avec lui,
voulant te garder en sa présence et son affection. Voilà pourquoi, tout
ce que tu lui demandes il te l'accorde comme à une mère soucieuse de
ses enfants ; et tout ce que tu souhaites, il l'accomplit avec sa
divine puissance, lui qui est béni pour l'éternité.
- De Saint Bernard (1091-1153), moine cistercien et docteur de l'Église:
1er sermon pour l'Assomption
« C'est dans le Christ que tous revivront, chacun à son rang »
(1Co 15,22-23**)
Le Jugement dernier ; le Couronnement de la Vierge
Détails des Scènes de la vie du Christ – 1451-52 – Fra Angelico Museo di San Marco, Florence

Aujourd'hui la Vierge Marie monte, glorieuse, dans le ciel. Elle
met le comble à la joie des anges et des saints. C'est elle, en effet,
dont la simple parole de salutation a fait exulter l'enfant encore
enfermé dans le sein maternel (
Lc 1,44***). Quelle a dû être l'exultation
des anges et des saints, lorsqu'ils ont pu entendre sa voix, voir son
visage, et jouir de sa présence bénie ! Et pour nous, frères
bien-aimés, quelle fête dans son Assomption glorieuse, quelle cause
d'allégresse et quelle source de joie aujourd'hui ! La présence de
Marie illumine le monde entier, tellement le ciel resplendit, irradié
par l'éclat de la Vierge toute sainte. C'est donc à bon droit que
résonne dans les cieux l'action de grâce et la louange.
Mais [...], dans la mesure où le ciel exulte de la présence de
Marie, n'est-il pas raisonnable que notre monde d'ici-bas pleure son
absence ? Mais non, ne nous plaignons pas, car nous n'avons pas ici-bas
de cité permanente (Hé 13,14****) ; nous cherchons celle où la Vierge Marie
est parvenue aujourd'hui. Si nous sommes déjà inscrits au nombre des
habitants de cette cité, il convient aujourd'hui de nous souvenir
d'elle [...], de partager sa joie, de participer à cette allégresse qui
réjouit aujourd'hui la cité de Dieu ; elle retombe aujourd'hui en rosée
sur notre terre. Oui, elle nous a précédés, notre reine, elle nous a
précédés et elle a été reçue avec tant de gloire que nous pouvons, nous
ses humbles serviteurs, suivre notre souveraine en toute confiance en
criant [avec l'Épouse du Cantique des Cantiques] : « Entraîne-nous à ta
suite. Nous courrons à l'odeur de tes parfums ! » (Ct 1,3-4*****) Voyageurs
sur la terre, nous avons envoyé en avant notre avocate [...], mère de
miséricorde, pour plaider efficacement notre salut.

* "C'est mon lieu de repos à toujours;
J'y habiterai, car je l'ai désirée."
** "Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront dans le Christ, mais chacun en son rang. Le Christ comme prémices, puis ceux qui appartiennent au Christ, lors de son avènement."
*** "Car voici, aussitôt que la voix de ta salutation a frappé mon oreille, l'enfant a tressailli d'allégresse dans mon sein."
**** "Car nous n'avons point ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir."
***** "3a.Tes parfums ont une odeur suave;
b.Ton nom est un parfum qui se répand; [...]
4a.Entraîne-moi après toi! Nous courrons!"
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